LA GRANDE GUERRE A MASSERAC

Une exposition sur une Grande Guerre…    Plus cruelle qu’il n’y paraît !

Une exposition sur une Grande Guerre:  Douze soldats morts au combat ne figurent pas sur le monument !

Une exposition sur une Grande Guerre : 66 soldats morts au combat, 57 seulement sur le monument !

 Le 11 novembre 2023, comme toutes les communes de France, Massérac rendra hommage à ses 57 morts. Ignorant encore une douzaine d’autres soldats qui auraient leur place sur le monument !

Dans la décennie suivant l’armistice de 1918 et surtout après un siècle de recherches ayant abouti pour le centenaire en 2018 à un bilan plus exact, l’identité de nombreux soldats morts pendant la Grande Guerre a été révélée. Les chiffres ont donc depuis longtemps des noms … qu’on ne retrouve pas sur les monuments aux morts souvent édifiés dès 1919.

Tel est le cas de Massérac qui, selon Dominique Lérault, de l’association locale d’histoire et patrimoine, compte beaucoup plus de disparus que les 57 soldats honorés chaque 11 novembre !

Un an de recherches

Ce travail de mémoire est parti d’une simple observation de quelques différences entre une liste peinte sur une sorte de retable dans l’église et celle gravée sur le monument. Erreurs de prénoms, noms absents sur le granit public, cela invitait à quelques investigations qui se sont vite transformées en un long travail de recherches auprès de l’état civil, des sites de généalogie, des données militaires nationales comme la base « Mémoire des Hommes » du ministère des armées et surtout les archives départementales. Ces dernières offrant au public, depuis la numérisation des matricules, des listes de noms de disparus bien plus complètes qu’au lendemain de cette terrible guerre.

Le résultat, après des nombreux mois de consultation de registres, de sites d’archives, de visites de cimetières et de monuments alentours et de rencontres émouvantes avec les anciens du pays : Massérac ne compterait pas 57 morts mais sans doute 12 de plus !

Morts pour la France, ou pas ?

« Sans doute » car les inscriptions sur les monuments n’obéissent pas à un règlement précis. Ici, on n’a gravé que les seuls natifs du pays. Là, on s’est limité aux seuls soldats « morts pour la France », une mention spéciale qui n’est pas accordée à tous ceux qui sont disparus. Là encore, sont inscrits les natifs de la commune, qu’ils l’aient plus tard quittée ou pas, et des conscrits y résidant à la mobilisation début août 1914.

Ce dernier cas intéresse Massérac dont le monument ne nomme que 41 soldats nés dans la commune. Les 16 autres mentionnés venant d’Avessac, Guémené-Penfao, La Chapelle de Brain, Marsac sur Don, Messac, Conquereuil, Abbaretz, Saint-Jean de Courcoué, Jargeau (45), et même Paris !

Ces jeunes appelés « d’ailleurs » se retrouvent ainsi parfois sur plusieurs monuments comme ce cas particulier d’Alexandre Mahé né et inscrit à La Chapelle de Brain, mais aussi à Massérac car, après son remariage avec un forgeron du Finistère installé au pays, sa veuve (avec son fils né en 1916) y réside en 1919.

Et ce n’est pas la seule curiosité creusée dans le granit masséracéen. Pourquoi le nom de Pierre Marie Renaud y figure-t-il alors que ce soldat fut réformé pour surdité dès 1908 et maintenu comme tel en décembre 1914 ? Peut-être porta-t-il un uniforme d’août à décembre 14, mais il est finalement décédé chez lui au village de Paimbu le 15 mai 1920, loin dans le temps et dans l’espace des combats de la Grande Guerre !

268 portraits exposés le 11 novembre 2023

Des vérifications et des concertations au sein de la commune devront donc décider à l’avenir d’une souhaitable actualisation du monument qui aurait pu être réalisée en 2005 lors de son déplacement de la place de l’église au square Paty. Il y a 18 ans, les nouvelles transcriptions à l’état civil et les données départementales l‘auraient permis.

L’exposition à la salle polyvalente de Massérac a vocation à poser ce débat à travers 69 portraits de morts au combat, ceux des 57 du monument et ceux des 12 autres dont 6 natifs du pays : Auguste et Henri Certain, François Etienne, François Ferré, Ernest Leblond et Eugène Louet.

Les 6 derniers, venus d’autres communes, ayant des relations évidentes avec Massérac, par mariage ou résidence familiale comme certains noms déjà gravés.

Seront aussi exposés les portraits des blessés, prisonniers et « simples » combattants rentrés indemnes. Au total, des centaines de portraits reflétant les informations de l’état civil et des matricules militaires, quelques témoignages de descendants, et illustrés de très nombreuses photos prêtées par des familles ou provenant du fond Anne Catherine, photographe de Redon à cette époque.

Dominique Lérault a en effet patiemment retrouvé quelques 268 matricules concernant Massérac. Un chiffre minimum car l’avenir révélera peut-être encore quelques « oubliés », des sites comme « Mémoire des Hommes » recueillant toujours les témoignages de toutes origines. Cette guerre n’a malheureusement pas livré tous ces secrets, des centaines de milliers de disparus encore sous terre en France et à l’étranger, fusiliers ou décédés de la terrible grippe espagnole de 1918, restent ignorés. « Certains historiens et militaires parlent de 2 millions de morts français » quand le chiffre public actuel est d’environ 1,5 millions !

Plus cruelle qu’il n’y paraît

Concernant Massérac, les 57 morts du monument représentent 5,46% de la population évaluée à 1043 personnes au recensement de 1911. Ce qui est déjà supérieur à la moyenne nationale de 4,4% citée par l’historien Jean Bourgeon dans le livret « Guémené-Penfao dans la Grande Guerre 1914-1918 ».

Si l’actualisation atteint réellement 66 morts, le pourcentage passerait à 6,32%, une valeur qui confirmerait combien la grande guerre fut plus cruelle qu’il n’y paraît à Massérac, plus traumatisante que dans la plupart des communes françaises.

L’exposition du 11 novembre à Massérac n’en sera que plus surprenante pour tous, et d’autant plus utile que les visiteurs découvrant tout ou partie de la vie de soldat de leur grands-parents ou arrière-grands-parents apporteront peut-être des témoignages enrichissants. Des commentaires, des corrections ou des photographies qui compléteraient et valideraient une possible seconde manifestation en novembre 2024.

Cent dix ans après le début de ce premier conflit mondial, des animations (conférence, vidéos, présentation de documents et objets militaires et civils d’époque, …) pourraient compléter cette première exposition enrichie. Et pourquoi pas célébrer une liste actualisée sur le monument aux morts, juste hommage souhaitable à la réalité du drame vécu en 14-18 par presque toutes les familles de Massérac.